Durant une sortie de 2h00 à vélo, un cycliste effectue une moyenne de 10.000 coups de pédale.
Etes-vous satisfaits du rendement obtenu ? N’avez-vous pas constaté un différentiel de force entre votre jambe droite et votre jambe gauche ? Est-ce que vous sentez que vous pédalez « rond », c’est-à-dire avec souplesse et sans à-coups ?
Si vos réponses à ces trois questions sont « oui », « non » et « oui », alors bravo : vous êtes un cycliste sans défaut et vous n’apprendrez rien de nouveau ici. Sinon, les lignes qui suivent peuvent vous intéresser et vous aider à progresser.
La période hivernale est un moment tout indiqué pour consacrer du temps à l’analyse de sa technique de pédalage. En effet, après plusieurs semaines passées sans rouler de manière régulière, le coureur perd en endurance, force et vélocité, et les défauts gommés au prix de tant d’efforts réapparaissent au grand jour. Il est heureusement possible de retrouver son niveau antérieur et même de s’améliorer en effectuant quelques exercices bien ciblés, la clé de voûte de l’ensemble restant bien entendu la régularité de la pratique.
Un pédalage efficace est la combinaison de trois facteurs:
- la force
- la vélocité
- la coordination
Profitons-en pour dire qu’il n’y a pas de période privilégiée pour travailler ces paramètres : c’est tout au long de l’année que l’on doit s’y attacher. Laisser de côté ne serait-ce qu’un seul de ces trois facteurs aurait pour conséquence de briser un fragile équilibre. Par exemple, la croyance tenace qui veut que l’hiver soit réservé uniquement au travail de la vélocité est erronée. Un coureur qui ne travaillerait que cette composante se trouverait démuni à la moindre attaque, lorsque les vitesses deviennent élevées. Il en va de même pour un cycliste qui ne se concentrerait que sur le développement de la force brute, encore que cette catégorie se rencontre moins souvent que celle des adeptes du petit plateau.
Cependant, nous avons tous des dispositions en faveur de l’un ou l’autre style de pédalage (force ou vélocité), c’est pourquoi il est important de savoir dans quelle catégorie on se situe.
Essayez de répondre à la question qui consiste à savoir si de façon naturelle vous êtes un « écraseur de pédale » qui emmène de gros braquets et tourne lentement les jambes ou bien au contraire si vous avez plus de facilités à « mouliner » et à emmener de petits braquets en tournant les jambes à des cadences élevées.
Il n’y a pas de mauvais morphotype : il est possible de remporter le Tour de France, que l’on soit principalement fort ou bien plutôt véloce. Chaque individu compte des proportions différentes de fibres musculaires dites « lentes » et « rapides », ce qui a pour conséquence de l’orienter naturellement vers l’une ou l’autre catégorie. Le tout est d’être conscient de ses qualités naturelles pour travailler à l’amélioration de ses points faibles et parvenir ainsi à un juste équilibre.
Il est possible de mettre en relation la force et la vélocité, le produit de ces deux variables est la puissance.
Nous pouvons ainsi écrire la formule suivante:
P = C x w
où :
P = puissance en watts (W)
C = couple en newtons-mètre (N.m) ou encore : force appliquée par le coureur sur la pédale multipliée par le bras de levier que représentent l’association jambe-manivelle
w = vitesse de rotation du pédalier en radians/seconde (rad/s)
Cette formule vient contredire à priori ce qui a été dit précédemment car il serait théoriquement possible d’être un coureur puissant en privilégiant uniquement le couple ou la vitesse de rotation. Pourtant la réalité est plus complexe car des facteurs limitants comme l’épuisement musculaire ou bien encore les contraintes biomécaniques entrent en jeu. Afin de préserver notre capital musculaire et tendineux nous avons tout intérêt à travailler les deux paramètres de force et vélocité de manière égale. C’est encore plus évident en triathlon où il est nécessaire d’avoir économisé ses muscles et articulations lors de la partie vélo pour pouvoir courir dans de bonnes conditions.
Les exercices proposés ci-dessous visent à améliorer les qualités de force, vélocité et coordination. Ils peuvent être effectués au cours d’une sortie sur route ou bien faire l’objet d’une séance dédiée sur home-trainer. On privilégiera autant que possible l’utilisation du home-trainer car c’est le seul outil qui offre la possibilité de respecter de façon précise les durées et intensités des exercices. Il permet aussi d’avoir un meilleur ressenti de sa position sur le vélo et met plus facilement en évidence les défauts posturaux en vue de leur correction.
Remarques préliminaires:
- L’exécution des exercices mettra peut-être en lumière un défaut de réglage, que ce soit au niveau des cotes de positionnement, des cales de chaussures ou bien des périphériques (dimensions de potence, manivelles, cintre,… inadéquates). Des déhanchements intempestifs, un besoin de changer fréquemment de position sur la selle, des douleurs dorsales, cervicales ou bien articulaires sont les signes que la position sur le vélo doit être modifiée. Il ne faut pas hésiter à faire les réglages nécessaires, si besoin se faire aider par un professionnel. D’ailleurs, dans le cadre de la recherche de l’amélioration du rendement et du confort du cycliste, un investissement dans une étude de position est à privilégier par rapport à l’achat de périphériques plus performants mais onéreux (roues carbone, groupe haut de gamme,…). Trop de cyclistes roulent avec du matériel haut de gamme alors qu’ils sont mal positionnés, ce qui est dommage.
- Pour ceux qui ne possèdent pas de cadence-mètre, il est possible d’évaluer la fréquence de pédalage en comptant le nombre de coups de pédale effectués durant 30 secondes : cela donnera par extrapolation la cadence en t/mn
- Il est demandé dans certains exercices de se concentrer sur le travail d’une seule jambe : il suffira dans ce cas de désolidariser l’autre jambe de la pédale et de la laisser inactive jusqu’à la fin de l’exercice
Travail de la force :
Tout comme nous sommes droitiers ou gauchers, nous avons une jambe que nous utilisons inconsciemment de façon préférentielle que ce soit pour sauter une barrière, lancer un sprint ou bien démarrer à vélo : c’est la jambe dominante. Le fait d’utiliser une jambe plus intensément que l’autre va créer un différentiel de force. Si l’objectif majeur des exercices de force est de pouvoir emmener de gros braquets pendant longtemps, son corollaire est de rééquilibrer le rapport de force jambe droite/jambe gauche afin de répartir l’effort de façon plus harmonieuse, d’améliorer le rendement mais aussi de prévenir les blessures.
Quelques exemples d’exercices :
- débuter en tournant les jambes à 100-110 t/mn sur un petit braquet puis mettre de plus en plus de braquet pour terminer à 45-50 t/mn sur le grand plateau (durée de l’exercice : 45mn à 1h)
- sur un parcours très vallonné monter toutes les bosses avec un gros braquet à 45-50 t/mn en restant assis sur la selle. Ne pas faire monter la fréquence cardiaque. Faire les descentes et rouler sur le plat en vélocité
- sur le grand plateau : répartir durant la séance 3×10′ ou bien 3×15’ en force à 50-60 t/mn ; attention à rester en aérobie et à ne pas se déhancher
Travail de la vélocité :
Pour tourner les jambes rapidement et pendant longtemps, la souplesse de la cheville est importante. C’est le « fouetté » de la pédale qui permet d’amener rapidement celle-ci d’une position basse à une position haute. Tout comme nous avons une jambe naturellement plus forte que l’autre, nous avons aussi une jambe plus souple que l’autre. Un des objectifs du travail de vélocité est d’amener les deux jambes au même niveau de souplesse. Améliorer sa souplesse est plus difficile que d’améliorer sa force, d’où l’importance de travailler ce paramètre tout au long de l’année.
Exemples d’exercices de vélocité :
- débuter en tournant les jambes à 45-50 t/mn sur un gros braquet puis mettre de moins en moins de braquet pour terminer à 100-110 t/mn sur le petit plateau (durée de l’exercice : 45mn à 1h)
- sur le petit plateau : répartir durant la séance 3×10′ ou bien 3×15’ en vélocité à 110-120 t/mn ; attention à bien rester en aérobie, le cœur ne doit pas monter
Travail d’alternance force/vélocité :
- alterner 10′ en force grand plateau 45-50 t/mn et 10′ en vélocité petit plateau 100-110 t/mn (durée de l’exercice : 50mn à 1h)
Travail de coordination :
Le but des exercices de coordination est de faire collaborer dans l’esprit du cycliste ces deux notions antinomiques que sont la force et la vélocité et de l’aider à ancrer sa gestuelle dans son inconscient et dans ses terminaisons nerveuses. L’idéal est d’arriver à ne plus penser au geste que l’on effectue, mais cela est difficile. En effet, même les professionnels qui nous impressionnent par l’apparente facilité avec laquelle ils enroulent les tours de manivelle doivent régulièrement effectuer des exercices de coordination afin de conserver la qualité de leur coup de pédale.
Les exemples proposés ci-dessous doivent être répétés régulièrement, ils sont aussi importants que les exercices de force ou de vélocité :
- insérer dans une séance à dominante vélocité 2×12’ comme suit : 1’ jambe droite en vélocité – 1’ jambe gauche en vélocité – 2’ en vélocité sur un petit braquet avec les deux jambes – 1’ jambe droite sur un braquet intermédiaire – 1’ jambe gauche sur un braquet intermédiaire – 2’ sur un braquet intermédiaire avec les deux jambes – 1’ jambe droite en force – 1’ jambe gauche en force – 2’ sur un gros braquet avec les 2 jambes
- faire: 5′ en accentuant la phase de poussée en vélocité – 5′ en accentuant la phase de tirage en force – 5′ en travaillant les deux phases simultanément – 5′ en accentuant la phase de poussée en force – 5′ en accentuant la phase de tirage en vélocité – 5′ en travaillant les deux phases simultanément – 5′ en accentuant la phase de poussée en vélocité – 5′ en accentuant la phase de tirage en force – 5′ en travaillant les deux phases simultanément (durée de l’exercice : 45mn)
Une bonne technique de pédalage se répercutera positivement sur la qualité des séances d’endurance-sprint-seuil-allure spécifique, et permettra de rouler plus vite, plus loin et plus longtemps tout en limitant les risques de blessure.
Bibliographie sélective:
- Cyclisme moderne. Préparation et entraînement – Dr Patrick MALLET (Amphora)
- Les fondamentaux du cyclisme – Christian VAAST (Amphora)
- Cyclisme et optimisation de la performance – Frédéric GRAPPE (de Boeck)
- La pleine puissance en cyclisme – Antoine VAYER (Librairie Polar)
Bonne saison à tous,
Jean-Philippe